La douleur
Question : L'origine de la pensée n’est-elle pas une défense contre la douleur? Le bébé commence à penser afin de se dissocier de la douleur physique. La pensée — qui est la connaissance psychologique — résulte-t-elle de la douleur, ou bien la douleur est-elle le résultat de la pensée ? Comment aller au- delà des défenses acquises pendant l’enfance ?
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Piquez une épingle dans une jambe, vous provoquez la douleur, suivie du souci d’y mettre fin. C'est l’élan de la pensée, la réaction nerveuse ; puis vient l'identification à cette réaction et on dit : « j ’espère que cela va se terminer et que je ne ressentirai plus rien de tel à l’avenir ; tout cela fait partie de l’élan de la pensée. La peur fait partie de la douleur ; la peur existe- t-elle sans la pensée ?
Avez-vous jamais fait l’expérience de la dissociation de la pensée et de la douleur ? Asseyez-vous un moment dans un fauteuil de dentiste et suivez ce qui se passe ; votre esprit doit observer sans rien identifier. Vous pouvez le faire. Je me suis assis dans un fauteuil de dentiste pendant quatre heures et jamais aucune pensée ne m’est venue à l’esprit.
Comment dépasser les défenses établies pendant l'enfance ? Irait-on chez un psychanalyste ? On pourrait penser que c’est la voie la plus facile, un moyen de résoudre tous les problèmes posés depuis l’enfance. On ne peut pas les résoudre, on peut les modifier légèrement. Alors, que fait-on ? Il n’y a personne à qui s'adresser. Va-t-on affronter cela ? Il n'y a personne. S'est-on jamais trouvé face à ce fait, qu’il n’y a personne à qui s’adresser ? Si on a un cancer, on peut aller chez un médecin, c’est différent de la connaissance psychologique acquise depuis l’enfance et qui rend névrosé ; la plupart des gens sont névrosés.
Alors, que faire ? Dans un monde quelque peu névrosé, où tous les parents et amis sont légèrement déséquilibrés, comment savoir qu’on l’est également ? On ne peut s’adresser à personne ; alors, que se passe- t-il dans un tel esprit, à présent qu’il ne dépend plus des autres, des livres, des psychologues, de l’autorité ? Que se passe-t-il dans cet esprit s’il se rend vraiment compte qu’il n’a la possibilité de s’adresser à personne ? La névrose résulte de la dépendance. On dépend de sa femme, du médecin, on devient tributaire de Dieu ou des psychologues. On s’est installé dans une série de dépendances en espérant trouver en elles la sécurité.
Quand on découvre qu’on ne peut dépendre de personne, qu’est-ce qui se passe ? On provoque une terrible révolution psychologique, qu’en général on n’affronte pas volontiers. On dépend de sa femme, elle vous encourage à dépendre d’elle et vice versa. Cela fait partie de la névrose dont on souffre. On ne doit pas la rejeter, mais l'examiner. Peut-on s'en libérer, peut-on ne pas dépendre de sa femme — du point de vue psychologique, bien entendu ? On ne le fera pas, car on est effrayé ; on veut d'elle quelque chose, des relations sexuelles, ou ceci ou cela. Ou bien elle se sert de vos propres idées pour vous inciter à dominer, à être ambitieux, ou bien elle vous appelle un merveilleux philosophe.
Rendez-vous compte que si l’on est tributaire de quelqu'un, cet état même de dépendance peut être la cause d'une profonde névrose psychologique. Si on brise ce modèle, que se passe-t-il ? On est sensé ! Il faut jouir de cet équilibre mental pour découvrir la vérité. La dépendance existe depuis l'enfance ; elle a été un facteur dans la lutte contre la douleur et la souffrance, un facteur de confort, d’encouragement, elle a nourri les émotions — tout cela a fusionné en un tout dont on fait partie. Cette esprit conditionné ne peut jamais découvrir la vérité. Ne dépendre de rien signifie qu'on est seul, qu'on est un, entier — c’est cela la santé mentale qui engendre la raison, la clarté, l'intégrité. - Jiddu Krishnamurti
Note 8 – La douleur - Questions et réponses