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Se taire

Question : Vous semblez trouver à redire même au fait de s’asseoir tranquillement tous les jours pour observer le mouvement de la pensée. Selon votre définition, est-ce une pratique, une méthode, et par conséquent sans valeur ?

A présent, on me demande : qu’y a-t-il de mal à s’asseoir tranquillement tous les matins pendant vingt minutes, puis encore vingt minutes dans l'après-midi, et peut-être encore vingt minutes et plus dans la soirée — qu’y a-t-il de mal à ça ? En restant tranquillement assis, vous pouvez vous détendre, vous pouvez observer votre pensée, vos réactions, vos réponses et vos réflexes.


Qu'est-ce qui pousse ceux qui s'assoient tranquillement, seuls ou en groupe ? Quel est le mobile derrière le désir de s’asseoir en silence une demi-heure par jour ? N’est-ce pas important de savoir pourquoi vous voulez faire cela? Est-ce parce que quelqu'un vous a dit que si vous vous asseyez tranquillement, vous aurez des expériences para-psychologiques, que vous atteindrez une sorte de paix, une sorte de compréhension, une sorte d'illumination ou une sorte de pouvoir ? Etant quelque peu crédule, vous payez des milliers de dollars pour recevoir des instructions et un mantra que vous pouvez répéter. Certaines personnes ont payé des milliers de dollars en échange de quelque chose — plus spécialement d'un mot sans­crit qu’ils répètent. Vous payez pour recevoir quelque chose en échange. Quel est le mobile qui vous pousse ? Pourquoi faites-vous cela ? Est-ce pour une récompense d'ordre psychologique ? Est-ce parce qu’en restant assis en silence vous atteignez quelque espèce de super-conscience ? Ou bien est-ce parce que vous voulez obtenir ce que votre instructeur vous a promis ?


Ainsi, avant de nous plonger dans tout cela, il est important de découvrir votre mobile, ce que vous voulez. Mais vous ne procédez pas ainsi, tellement vous êtes avide et crédule ; quelqu'un vous promet une chose et vous voulez cette chose. Si vous examinez le motif de ce souhait, vous vous apercevez que c’est un désir de réussite — comme celui d’un homme d'affaires de gagner beaucoup d’argent. C’est ce qui le pousse. Dans notre cas, le besoin psychologique est de posséder la chose promise par un gourou ou un instructeur. Vous ne mettez pas ses promesses en question ni en doute. Mais, si vous demandez à la personne qui vous fait l’offre : cela en vaut-il la peine ?


Est-ce vrai ? Qui êtes-vous pour me dire ce que je dois faire ? — alors vous vous apercevrez que de vous asseoir en silence sans comprendre pourquoi conduit à toutes sortes d’ennuis psychologiques qui relèvent de l'illusion. Si c’est là votre intention quand vous vous asseyez en silence, alors, elle n’en vaut pas la peine. Mais si, tranquillement assis sans motif, ou bien marchant en silence, soit seul, soit avec quelqu’un, vous observez pendant ce temps les arbres, les oiseaux, les cours d’eau et les rayons de soleil sur les feuilles, vous vous examinez aussi vous-même au cours de cette observation.


Vous n’êtes pas tendu dans d'immenses efforts avec pour but une réussite quel­ conque. Ceux qui s’engagent dans une certaine forme de méditation rencontrent beaucoup de difficultés pour s’en dégager, parce que leur esprit se trouve déjà conditionné ; après une pratique de plusieurs années, ils se retrouvent dans une impasse. Et si quelqu'un leur dit : « quelle absurdité que tout cela », il leur arrive, à un rare moment, de devenir rationnels et d'admettre : « oui, peut-être cela est-il mauvais » ; alors commencent les ennuis, le conflit entre ce qu’ils ont découvert eux-mêmes par la raison et ce qu’ils pratiquent depuis dix ans — une lutte qui s'appelle le progrès, le progrès spirituel !


L'esprit bavarde toujours, poursuivant une pensée ou l'autre, des séries de réactions sensorielles l'une après l'autre. Afin de mettre fin à ce bavardage, vous essayez d'apprendre la concentration, forçant votre esprit à s'arrêter de bavarder, et ainsi le conflit recommence. C'est ce que vous faites : du bavardage, du bavardage, un discours sans arrêt sur rien. Si vous voulez observer quelque chose, un arbre, une fleur, la ligne des montagnes, vous devez regarder en silence. Mais vous ne vous intéressez pas aux montagnes, ou à la beauté des collines, des vallées et des eaux, vous voulez atteindre un but, réussir dans le domaine spirituel.


N’est-il pas possible d'être naturellement silencieux, de regarder une personne, d'écouter une chanson ou d’écouter tranquillement quelqu'un parler, sans résistance, sans dire : « je dois changer, je dois faire ceci, je dois faire cela » — simplement être silencieux ? Apparemment, c'est extrêmement difficile. Alors, vous vous exercez à être silencieux selon des systèmes. Voyez-vous en quoi c’est fallacieux de pratiquer une méthode, un système, de suivre régulièrement une routine quotidienne qui auront pour résultat, pensez- vous, de faire taire votre esprit ; mais il ne se taira jamais ; il est machinal, figé dans un moule, émoussé et insensible. Vous ne voyez pas tout cela ; vous voulez atteindre un but — une initiation. Oh, tout cela est tellement puéril !


Si vous écoutez tranquillement l’orateur, sans décider s’il a tort ou raison, sans dire : « je me suis engagé à faire cela, j'ai promis de ne pas y renoncer, je suis ceci, cela, autre chose», mais en écoutant sans résistance ce qui est dit, alors ce que vous faites devient votre propre découverte, alors votre esprit se tait au cours même de votre enquête.


Pouvons-nous, gens ordinaires, soucieux et agités comme nous le sommes, pouvons-nous nous taire et écouter tous les babillages de nos propres mouve­ments de pensée ? Est-il possible, assis, debout ou marchant en silence, de ne rien se laisser souffler par personne, de n’attendre ni récompenses, ni expériences sensorielles dépassant les normes physiques ? Commencez au niveau le plus rationnel et vous pour­ rez aller très loin. - Jiddu Krishnamurti


Note 32 – Se taire - Questions et réponses


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