La conscience
Question : Qu’est-ce que la conscience ? Existe-t-il des niveaux de conscience différents ? Y a-t-il une conscience au-delà de celle dont nous sommes normalement avertis ? Est-il possible de vider la conscience de son contenu ?
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On peut utiliser des mots et décrire des choses, mais ce que l’on désigne et que l’on décrit ne constitue pas le fait ; ne vous laissez pas abuser par la description.
Qu'est-ce que notre conscience ? C'est être conscient, être averti de ce qui se passe, non seulement à l'extérieur, mais aussi à l’intérieur; il s'agit du même mouvement. Etre conscient est le produit de notre éducation, notre culture, notre héritage de race et le résultat de nos propres efforts. Toutes nos croyances, tous nos dogmes, rites, concepts, jalousies, angoisses, plaisirs, notre prétendu amour — tout cela forme notre conscience. C'est la structure qui a évolué à travers plusieurs millénaires, à travers les guerres, les larmes, le chagrin, la dépression et l’exaltation : tout cela constitue notre conscience. Selon certaines personnes, on ne pourrait changer la conscience. On peut la modifier, l’affiner, mais il faut l’accepter, en tirer le meilleur parti possible ; elle est là. Sans son contenu, la conscience, telle que nous la connaissons, n’existe pas.
On demande : est-ce possible de vider la conscience de tout son contenu — la peine, les différends, la lutte, les terribles relations humaines, les querelles, les angoisses, les jalousies, l’affection, la sensualité ? Peut- on vider ce contenu ? Si on le fait, cela donne-t-il un genre de conscience différent ? La conscience comporte- t-elle des couches et des niveaux différents ?
En Inde, les anciens distinguaient la conscience à niveau bas, à niveau plus élevé, à niveau très élevé. Ces niveaux se mesuraient, car, à partir du moment où il y a division, il doit y avoir mesure, et l’acte de mesurer exige un effort. Quel que soit le niveau de la conscience, il fait toujours partie de celle-ci. Diviser la conscience, c'est la mesurer, donc c'est penser. Toute construction de la pensée fait partie de la conscience, quelle que soit la division adoptée.
Il est possible de vider complètement le contenu de la conscience. L'essence de ce contenu est la pensée, qui a élaboré le « moi » — le « moi » ambitieux, avide, agressif. Ce « moi » est l'essence du contenu de la conscience. Peut-on mettre un point final à ce « moi » avec toute sa structure égoïste ? L'orateur peut dire :
« oui, on peut y mettre un terme absolu ». Cela signifie qu’il n’y a pas de centre à partir duquel vous agissez, à partir duquel vous pensez. Le centre est l'essence de l’acte de mesurer, qui est l’effort vers le devenir. Ce devenir peut-il prendre fin ? Vous pouvez dire : il le peut probablement, mais si on y met fin, que trouve- t-on ?
Tout d’abord, découvrez vous-même si ce devenir peut prendre fin. Pouvez-vous, sans mobile, renoncer, mettre fin à quelque chose que vous aimez, qui vous donne quelque plaisir, sans ajouter : «je peux le faire s’il y a quelque chose au bout ? » Pouvez-vous mettre un terme immédiat à quelque chose qui vous procure un grand plaisir ? Vous voyez, comme c'est difficile.
C’est comme pour un fumeur dont le corps a été intoxiqué par la nicotine : s’il s’arrête de fumer, son corps la réclame, si bien qu’il prend autre chose pour le satisfaire. Donc, êtes-vous capables de mettre fin à quelque chose de façon claire et rationnelle, sans aucun mobile, n'attendant ni récompense, ni punition ?
L’égoïsme se trouve plusieurs cachettes : dans la recherche de la vérité, les œuvres sociales, en se mettant au service de quelqu’un, d’une idée, d’un concept. S’en rendre compte requiert une prise de conscience stupéfiante qui exige de l'énergie, toute celle qui se gaspille actuellement dans les conflits, la peur, le chagrin, toutes les épreuves de la vie. Cette énergie se perd également dans la prétendue méditation. Celle-ci en demande énormément, non pas de l’énergie physique, mais de celle qui n'a jamais été gaspillée. Alors, la conscience peut être vidée et, une fois qu’elle l’a été, on peut découvrir ou non s’il y a quelque chose de plus, cela dépend de soi. On peut vouloir une garantie pour ce quelque chose de plus, mais il n’y en pas. - Jiddu Krishnamurti
Note 36 – La conscience - Questions et réponses