L'expérience
Question. — Prétendez-vous dire que devant le danger on réagit tout simplement à partir de son expérience ?
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Réponse. — N'est-ce pas là ce que vous faites ? Quand vous voyez un animal dangereux, n'est-ce pas par votre mémoire que vous réagissez, par votre expérience — ce n'est peut-être pas votre expérience personnelle mais l'héritage racial qui vous dit : « attention ».
Question. — C'est bien l'idée que j'en avais.
Réponse. — Mais pourquoi n'agissons-nous pas avec la même efficacité quand il s'agit de voir le danger du nationalisme, de la guerre, des gouvernements séparés avec leurs droits souverains et leurs armées ? Ce sont là les choses les plus dangereuses, pourquoi ne réagissons-nous pas, pourquoi ne disons-nous pas : « Mais changeons donc tout cela » ? Cela signifie que vous vous changez vous-même, cet être qui vous est connu — sachant que vous n'appartenez à aucune nation, à aucun drapeau, à aucune région, à aucune religion, étant par conséquent un être humain libre. Mais ce n'est pas là ce que nous faisons.
Nous réagissons aux dangers physiques mais non aux dangers psychologiques, qui sont beaucoup plus dévastateurs. Nous acceptons les choses telles qu'elles sont ou nous nous révoltons contre elles pour tendre vers quelque utopie de notre cru, ce qui revient à la même chose. Voir un danger intérieurement et le voir extérieurement, c'est la même chose, il s'agit de rester éveillé — c'est-à-dire intelligent et sensitif.
Question 20 – I'expérience – le vol de l'aigle – Jiddu Krishnamurti (1895 – 1986)