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Peut-on être affranchi instantanément et vivre sans conflits ou cela va-t-il nous prendre du temps

Question: Peut-on être affranchi instantanément et vivre sans conflits ou cela va-t-il nous prendre du temps ?
Krishnamurti: Peut-on vivre immédiatement ayant rejeté le passé ou bien cela implique-t-il un certain temps ? Est-il besoin du temps pour se débarrasser du passé, et ceci nous empêche-t-il de vivre d'une façon immédiate ? Telle est la question. Le passé est comme une caverne cachée, une cave où vous tenez votre vin — si vous avez du vin. Faut-il du temps pour s'en affranchir ? Prendre du temps qu'est-ce que cela implique — c'est ce que nous faisons d'habitude. Je me dis: « J'y mettrai du temps, la vertu est une chose qu'il faut acquérir, à laquelle il faut s'exercer quotidiennement. Je vais me débarrasser de ma haine, de ma violence, lentement, graduellement. » C'est ainsi que nous nous y prenons habituellement, tel est notre conditionnement.

Et nous nous demandons dès lors s'il est possible de rejeter tout le passé graduellement — en y mettant du temps. Autrement dit, en étant violent « je vais m'en débarrasser graduellement ». Qu'est-ce que cela veut dire « graduellement », « pas à pas » ? En attendant je suis violent. Cette idée de se débarrasser de la violence graduellement est une forme d'hypocrisie. Très évidemment, si je suis violent, je ne peux pas m'en débarrasser petit à petit, il faut en finir tout de suite. Puis-je mettre fin à des facteurs psychologiques immédiatement ? Vous ne le pouvez pas, si vous acceptez cette idée de vous libérer du passé petit à petit. Mais ce qui importe c'est de voir le fait tel qu'il est maintenant, sans aucune déformation. Si je suis envieux et jaloux, il faut que je le voie par une observation totale, instantanée et non passagère. Je regarde ma jalousie — pourquoi suis-je jaloux ? Parce que je me sens seul, la personne dont je dépendais m'a quitté et subitement je me trouve devant mon propre vide, mon isolement et de cela j'ai peur et, par conséquent, je dépends de vous. Et si vous vous détournez, je suis en colère, je suis jaloux.

Le fait c'est que je me sens seul, j'ai besoin de compagnie, j'ai besoin de quelqu'un non seulement pour faire ma cuisine, pour me réconforter, pour me donner un plaisir sexuel et tout ce qui s'ensuit, mais parce que fondamentalement je suis seul. Et c'est pour cela que je suis jaloux. Suis- je capable de comprendre cette solitude instantanément ? Je ne peux la comprendre que si je l'observe, si je ne la fuis pas — si je suis capable de la regarder, de l'observer pour la critiquer avec une intelligence éveillée, sans me chercher des excuses ou essayer de remplir mon vide ou de trouver un nouveau compagnon. Pour contempler tout ceci il faut qu'il y ait liberté, et quand je suis libre de regarder, je suis affranchi de ma jalousie. Ainsi la perception, la totale observation de la jalousie et son affranchissement, ne sont pas une affaire de temps, mais d'attention totale, d'une lucidité critique, d'une observation dépourvue de choix tournée vers toutes les choses qui surgissent à mesure de leur apparition. Alors il y a libération, non pas dans l'avenir mais tout de suite, de ce que nous appelons la jalousie.

On pourrait en dire autant de la violence, de la colère, de toute autre habitude, que vous fumiez, que vous buviez, que vous abusiez de votre sexualité. Si nous les observons avec la plus grande attention, y accordant la totalité de notre cœur et de notre esprit, nous prenons conscience intelligemment de tout leur contenu ; et il y a liberté. Quand cette prise de conscience lucide fonctionne, alors tout ce qui peut se produire — colère, jalousie, violence, brutalité, ombre légère de dissimulation, hostilité, toutes ces choses peuvent être observées instantanément et complètement. En ceci réside la liberté et ce qui fut cesse d'exister. Par conséquent, le passé ne peut pas être balayé avec le temps. Le temps n'est pas le chemin qui mène à la liberté. Cette idée d'une libération graduelle n'est-elle pas une certaine forme d'indolence, d'impuissance à agir instantanément quand elle surgit ? Dès l'instant où vous avez cette faculté étonnante d'observer chaque chose clairement à mesure qu'elle se produit, quand vous donnez tout votre esprit et tout votre cœur à cette observation, le passé cesse d'exister.


Par conséquent, le temps et la pensée ne mettent pas fin au passé, parce que le temps et la pensée sont le passé. Question. — La pensée est-elle un mouvement de l'esprit ? La lucidité est-elle une fonction d'un esprit immobile ? Réponse. — Comme nous l'avons dit l'autre jour, la pensée est une réaction de la mémoire, comme un ordinateur où vous avez programmé toutes sortes de connaissances. Et quand vous êtes à la recherche d'une réponse, ce qui a été accumulé dans l'ordinateur répond. De la même manière l'esprit, le cerveau, sont le magasin du passé, de la mémoire, et quand un défi leur est adressé ils répondent par la pensée conformément à leurs connaissances, leurs expériences, leurs conditionnements et ainsi de suite. Ainsi la pensée est le mouvement, ou plutôt fait partie du mouvement de l'esprit et du cerveau. Le questionneur voudrait savoir si la lucidité est le silence de l'esprit ?


Êtes-vous capable d'observer quoi que ce soit — un livre, votre femme, votre prochain, un politicien, un prêtre, un beau visage — sans qu'il s'ensuive aucun mouvement de l'esprit ? Les images que vous avez de votre femme, de votre mari, de votre voisin, votre connaissance d'un nuage ou d'un plaisir, tout cela intervient, n'est-ce pas ? Et dès qu'il y a intervention d'une image d'aucune espèce, subtile ou trop évidente, il n'y a plus d'observation, il n'y a plus de lucidité réelle et entière, il n'y a plus qu'une prise de conscience, une lucidité partielle. Pour qu'il y ait observation claire, il faut qu'aucune image n'intervienne entre l'observateur et la chose observée. Quand vous observez un arbre, êtes-vous capable de le regarder sans qu'intervienne votre connaissance de cet arbre en termes botaniques, sans aucune connaissance du plaisir ou d'un certain désir en ce qui le concerne ?


Pouvez-vous le regarder si complètement que l'espace entre vous — l'observateur — et la chose observée disparaisse ? Cela ne signifie pas que vous devenez l'arbre ! Mais quand cet espace disparaît, l'observateur cesse d'exister, et ne demeure plus que l'objet. Dans une telle observation il y a perception, on voit la chose avec une vitalité extraordinaire, la couleur, la forme, la beauté d'une feuille ou du tronc ; et quand le centre du « moi » qui observe n'existe pas, vous êtes en contact intime avec l'objet de votre observation.


Il y a un mouvement de la pensée qui fait partie du cerveau et de l'esprit, quand il y a une provocation à laquelle la pensée doit répondre. Mais pour découvrir quelque chose de neuf, quelque chose que l'on n'a encore jamais regardé, il faut qu'existe cette intense attention qui ne connaît aucun mouvement. Ceci n'est pas quelque chose de mystérieux ni d'occulte à quoi il faut s'exercer pendant des années et des années ; cette optique est une complète sottise. Cela se produit quand entre deux pensées vous observez.


Vous savez comment a procédé l'homme qui a découvert l'avion à réaction ? Comment c'est arrivé ? Il savait tout ce qu'il y avait à savoir du moteur à combustion, il cherchait une autre méthode. Pour regarder il vous faut être silencieux ; si vous emportez avec vous tout ce que vous savez sur le moteur à combustion, vous ne retrouverez jamais que ce que vous avez appris. Ce que vous avez appris doit rester en sommeil dans le calme — et dès lors vous découvrez quelque chose de neuf. De même pour voir votre femme, votre mari, l'arbre, le voisin, toute la structure sociale qui est désordre, il vous faut silencieusement trouver une nouvelle façon de regarder et par conséquent une nouvelle façon de vivre et d'agir. J.K.


Le vol de l'aigle

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