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S'affranchir de tout conditionnement

Je suis incapable de rien voir, incapable d'observer avec clarté et précision, lorsque je me définis comme hindou, chrétien ou bouddhiste - c'est-à-dire que je suis soumis à toutes ces traditions, au poids du savoir, du conditionnement. Avec cette mentalité, je ne peux regarder la vie, ou quoi que ce soit d'autre, qu'en tant que chrétien, bouddhiste, hindou, nationaliste, communiste, pour ne citer que ces exemples ; et cet état d'esprit m'empêche d'observer - c'est on ne peut plus simple.


Lorsque l'esprit s'observe lui-même en tant qu'entité conditionnée, on a là un certain état. Mais lorsqu'il dit: « Je suis conditionné », il s'agit d'un autre état. Dans ce dernier cas, l'esprit est dans un état où il existe un « je » qui examine, en qualité d'observateur, cet état de conditionnement. Lorsque je dis: « Je vois la fleur », il y a l'observateur et la chose observée ; l'observateur est distinct de ce qu'il observe: il y a donc une distance, un intervalle de temps, il y a une dualité, deux contraires ; puis vient le dépassement des contraires, la fusion des pôles opposés. On a là un certain type d'état. Et puis il y a l'autre état - celui dans lequel l'esprit s'observe lui-même comme étant une entité conditionnée - et là, plus de distinction entre observateur et chose observée. Est-ce que vous voyez la différence ?


Votre esprit peut-il avoir conscience du fait qu'il est conditionné, et ce, non en tant qu'observateur qui suit la mise en œuvre de son conditionnement, mais en vivant - en temps réel, au lieu de remettre à demain, à plus tard - l'expérience de cet état dans lequel l'observateur est absent, et qui est le même que l'expérience vécue lorsqu'on est en colère ? Il faut pour cela une immense attention. Pas de la concentration: lorsqu'on se concentre, il y a dualité. Lorsque vous vous concentrez sur quelque chose, votre esprit est concentré, et observe l'objet sur lequel il se focalise: il y a donc une dualité. Dans l'attention, toute dualité est absente parce que dans cet état il n'y a rien d'autre que le vécu actuel de l'expérience.


Lorsque vous dites: « Je dois m'affranchir de tout conditionnement, je dois uniquement vivre l'expérience », il y a toujours le « je », qui est le centre à partir duquel vous observez ; c'est pourquoi la situation est sans issue parce qu'il y a toujours le centre, la conclusion, la mémoire, une chose qui observe, et qui dit: « Je dois, je ne dois pas. »


Mais lorsque vous regardez, lorsque vous vivez l'expérience, il s'agit de l'état de non-observateur, dans lequel il n'y a pas de centre d'où part votre regard. Dans les instants de douleur, il n'y a pas de « je ». Dans les instants de joie immense, il n'y a pas d'observateur: les cieux sont remplis de joie, vous en faites partie, tout n'est que félicité. Cet état d'esprit intervient lorsqu'on perçoit la fausseté de l'attitude de l'esprit qui, tout en parlant d'éternité, ne vise en fait qu'à devenir, à réussir. L'éternité, cet état hors le temps, n'existe qu'en l'absence d'observateur.


Extrait du compte rendu de la huitième causerie publique à Bombay, le 8 mars 1961, in Collected Works of J. Krishnamurti, vol. XII, Krishnamurti Foundation of America, 1992.

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