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Comparaison – Mesure

Lorsqu'on s'est examiné aussi profondément, on peut aller plus profondément encore. Ces mots ne doivent pas être pris dans un sens comparatif. Nous pensons en termes de comparaisons, tels que superficiel et profond, heureux et malheureux. Nous ne cessons de mesurer, de comparer. Mais existe-t-il en nous un état profond par opposition à un état creux ?

Lorsque je me dis que mon esprit est creux, mesquin, étroit, limité, comment l'ai-je appris ? Est-ce en comparant mon intelligence à la vôtre, plus brillante, plus large, plus vive ? Puis-je, au contraire, me savoir médiocre sans me comparer à qui que ce soit ? Si j'ai faim, je ne compare pas ma faim à celle d'hier. Celle d'hier est une idée, un souvenir.


Si je me mesure tout le temps par rapport à vous, faisant des efforts pour être à votre image, je me nie moi-même, donc, je crée une illusion. Lorsque je comprends que toute comparaison, quelle qu'elle soit, ne peut que conduire vers de nouvelles illusions et de nouveaux maux, j'élimine complètement cette façon de penser, tout comme j'élimine l'analyse psychologique, l'étude de moi-même morceau par morceau, ou mon identification avec quelque chose d'extérieur à moi, une idéologie, un Sauveur, l'État.


Lorsque je vois que tous ces processus ne mènent qu'à intensifier des conformismes, c'est-à-dire des conflits, je les écarte résolument. Alors je ne suis plus dans un esprit de recherche et c'est cela qu'il est important de comprendre: je ne tâtonne plus, je ne cherche plus, je ne consulte plus personne. Ce n'est pas que je sois satisfait des choses telles qu'elles sont, mais je ne suis plus encombré d'illusions, et lorsque l'esprit s'est ainsi affranchi, il peut se mouvoir dans une tout autre dimension.


La dimension dans laquelle nous vivons habituellement, cette vie quotidienne faite de douleur, de plaisir et de crainte, nous a conditionné l'esprit, a limité sa nature, et lorsque cette douleur, ce plaisir et cette crainte ont disparu (ce qui ne veut pas dire que l'on soit sans joie: la joie est tout autre chose que le plaisir), l'esprit peut alors fonctionner dans une dimension où n'existe aucun conflit, aucun sens de séparation entre le moi et « l'autre ».


Sur le plan verbal nous ne pouvons aller que jusque-là, Ce qui est au-delà ne peut pas être mis en mots car le mot n'est pas la chose. Jusque-là, nous pouvons décrire, expliquer, mais aucun mot, aucune explication ne peuvent ouvrir la porte. Ce qui ouvrira la porte, c'est notre lucidité quotidienne, notre attention ; c'est la perception aiguë de ce que nous disons, de comment nous parlons, marchons, pensons. Cela peut se comparer au fait de nettoyer une chambre et de la tenir en ordre. Mettre de l'ordre dans la chambre est important dans un certain sens, mais, en un autre sens, n'a aucune espèce d'importance, car l'ordre, pour nécessaire qu'il soit, n'ouvrira ni la porte ni la fenêtre. Ce n'est pas non plus votre volition, votre désir qui l'ouvriront. Et vous ne pouvez inviter personne à le faire pour vous.


Tout ce que vous pouvez faire, c'est maintenir l'ordre. c'est-à-dire être vertueux pour l'ordre lui-même, non pour ce qu'il pourrait susciter: être sain, rationnel, ordonné. Alors peut-être, avec de la chance, la fenêtre s'ouvrira et la brise pénétrera. Elle pourrait aussi ne pas pénétrer: cela dépendrait de votre état d'esprit. Et cet état d'esprit ne peut être compris que par vous-mêmes si vous l'observez sans essayer jamais de le façonner, ni de prendre parti, ni de lui résister, et sans jamais acquiescer, justifier, condamner, juger, c'est-à-dire si vous l'observez sans option. Par cette observation impartiale la porte pourra, peut-être, s'ouvrir pour vous, et vous saurez ce qu'est cette dimension en laquelle il n'y a pas de conflits et pas de temps. J.K.


Chapitre 3 - Le champ de la conscience ; La totalité de la vie ; Être pleinement conscient. - Se libérer du connu – Jiddu Krishnamurti (1895-1986)

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