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La connaissance

Un homme obsédé par la connaissance ne peut pas trouver la vérité. Examinons pour de bon la question de savoir s'il existe plusieurs chemins qui mènent à la réalité ultime. Un chemin ne peut mener que vers quelque chose de connu, et ce qui est connu n'est pas la vérité. Quand vous savez quelque chose, cela cesse d'être la vérité parce que c'est du passé, c'est complètement immobilisé. De ce fait, le connu, le passé, est pris dans le filet du temps. En conséquence, ce n'est pas la vérité, ce n'est pas le réel. Ainsi, un sentier qui mène vers le connu ne peut vous conduire vers la vérité, et un sentier ne peut mener que vers le connu et non vers l'inconnu. Vous prenez un sentier qui mène vers une maison dans un village, parce que vous savez où est la maison, il y a de nombreux sentiers qui mènent à votre maison et à votre village. Mais la réalité, c'est ce qu'on ne peut mesurer, c'est l'inconnu. Si vous pouviez la mesurer, ce ne serait pas la vérité. Et ce que vous avez appris dans les livres, à travers ce que disent les autres, ce n'est pas réel, ce n'est que de la répétition, et ce qui est répété n'est plus la vérité.


Y a-t-il un chemin qui mène à la vérité ? Jusqu'à présent, nous avons pensé que tous les chemins menaient à la vérité. Est-ce vrai ? Le chemin de l'ignorant, le chemin de l'homme de mauvaise volonté mènent-ils à la vérité ? Il doit abandonner tout chemin, n'est-ce pas ? Un homme qui songe à assassiner des gens au nom de l'État peut-il trouver la vérité à moins d'abandonner son occupation ? Donc tous les chemins ne mènent pas à la vérité. Un homme obsédé par l'acquisition de connaissances ne peut trouver la vérité parce qu'il se préoccupe de la connaissance et non pas de la vérité. L'homme qui accepte les divisions, trouvera-t-il la vérité ? Manifestement pas, car il a choisi un chemin particulier et non le tout. L'homme d'action trouvera-t-il la réalité ? Évidemment non, pour la simple raison qu'en suivant la partie on ne peut trouver le tout.


Cela veut dire que la connaissance, la division et l'action prises séparément ne peuvent mener nulle part si ce n'est à la destruction, l'illusion, l'agitation. Voici ce qui s'est passé. L'homme qui a couru après la connaissance pour l'amour de celle-ci, croyant que cela le mènerait à la réalité devient un savant, mais pourtant qu'est-ce que la science a fait pour le monde ? Je ne décrie pas la science. Le savant est comme vous et moi, il n'est différent que dans son laboratoire. Sinon, il est comme vous et moi, avec son étroitesse d'esprit, ses craintes, son nationalisme.


Croire qu'il existe un chemin que les « maîtres » enseignent à leurs « disciples » est aussi assez fantastique, n'est-ce pas ? Parce que la sagesse ne se découvre pas à travers un disciple ou un maître. Le bonheur ne peut pas être trouvé sans abandon de l'idée que nous sommes l'élite choisie qui suit un chemin spécial. Cette idée nous donne seulement un sentiment de sécurité et l'idée que nous nous grandissons. L'idée selon laquelle votre chemin est direct, alors que le nôtre nécessitera un temps plus long est le produit d'une pensée immature. Ne divise-t-elle pas l'humanité selon des chemins systématisés ?


Ceux qui ont acquis la maturité trouveront la vérité. Celui qui est mûr ne suit ni le chemin des maîtres, ni celui de la connaissance, de la science, de la dévotion, ou de l'action. Un homme qui se cantonne à un seul chemin est immature, et un tel homme ne trouvera jamais ce qui est éternel, le sans-temps, parce que le sentier particulier auquel il se cantonne est lié au temps. Par le temps vous ne trouverez jamais le sans-temps. Par la souffrance vous ne trouverez jamais le bonheur. Il faut laisser de côté la souffrance pour qu'il y ait bonheur. Si vous aimez, il ne peut y avoir dans cet amour ni coercition ni conflit. Au milieu des ténèbres il n'y a pas de lumière, et quand vous vous débarrassez des ténèbres vous avez la lumière. De même il y a amour quand il n'y a pas d'esprit de possession, de condamnation, d'épanouissement du soi.


Ceux d'entre nous qui se cantonnent dans des chemins y trouvent des intérêts mentaux, émotionnels et physiques, et c'est pourquoi nous trouvons si extraordinairement difficile d'acquérir de la maturité. Comment pouvons-nous abandonner ce à quoi nous nous sommes cramponnés pendant les cinquante ou soixante dernières années ?


Comment pouvez-vous quitter votre demeure et redevenir le mendiant que vous étiez quand vous cherchiez vraiment ? Maintenant vous vous êtes fixé sur une association dont vous êtes le président, le secrétaire ou le membre. Pour l'homme qui cherche, c'est la recherche elle-même qui est amour, dévotion, connaissance. L'homme qui se cantonne à un chemin particulier ou à une action particulière est prisonnier de systèmes, et il ne trouvera pas la vérité. Dans la partie on ne trouve jamais le tout. Par une petite fente de la fenêtre on ne voit pas le ciel, le merveilleux ciel clair, et l'homme qui peut voir le ciel clairement est celui qui est en plein air, loin de tous sentiers, loin de toutes traditions. J.K.


Madras, le 16 novembre 1947

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