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Il n'y a pas de technique

Nous sommes en train de dialoguer, ce qui veut dire que nous avons une conversation entre gens qui se préoccupent de certains problèmes concernant les êtres humains, et veulent les examiner en profondeur, avec soin et affection, pas avec une forme quelconque d'affirmation de soi ou de contradiction. Une méthode dialectique essaye de trouver la vérité à travers des opinions. Mais notre recherche n'est pas de type dialectique. Nous ressemblons plutôt à deux amis qui parlent ensemble de leurs problèmes humains avec l'espoir de les résoudre et de découvrir la vérité.

Vous voyez, je crains qu'il n'y ait un grand malentendu selon lequel nous essaierions de trouver une technique pour accéder à la vérité, ce qui veut dire apprendre et pratiquer une méthode qui vous aiderait à tomber par hasard sur la vérité. Nous nions qu'il y ait une telle technique. S'il vous plaît, soyons très clairs sur ceci. La technique implique d'apprendre une méthode. Bien sûr pour envoyer un vaisseau spatial sur Mars, ce qui est un exploit tout à fait extraordinaire, vous avez besoin d'une technologie avancée, de vastes connaissances accumulées, de « savoir faire ». Mais comme la vérité est un pays sans chemin, on ne peut pas tracer une ligne, une direction, un sentier qui y mène, et ensuite le pratiquer, vous discipliner, apprendre une technique.


Donc nous n'offrons pas de technique, nous ne parlons pas d'une technique, d'une méthode ou d'un système. Notre esprit est déjà tellement préoccupé de mécanique que nous pensons qu'en pratiquant une technique, répétition de mots ou silence, nous assouplirons ou libérerons l'esprit, d'une façon ou d'une autre, de toute activité mécanique, mais je crains qu'il n'en soit pas ainsi. Ce que nous disons, c'est que vous devez avoir l'intérêt, le désir ardent, l'intensité de trouver – de trouver par vous-même – non pas de se laisser dire comment le faire. Alors, ce que vous découvrez vous appartient, vous êtes libre de tout gourou, de toute technique, de toute autorité. S'il vous plaît gardez ceci présent à votre esprit pendant que nous dialoguons sur ces sujets.


(Ensuite, l'assistance posa à Krishnamurti une série de questions qu'il résuma comme suit.)


Vous aimeriez dialoguer sur la compréhension, sur la relation entre le discours, le mot, la pensée et le silence, ainsi que sur la part de responsabilité que nous avons dans la formation d'une image dans la relation. Telles ont été les questions qui ont été posées. Il y en a eu aussi sur la vulnérabilité et le fait de savoir si nous pouvons vivre sans motif. Alors, laquelle de ces questions allons-nous choisir de façon à pouvoir y penser, l'observer ou la suivre jusqu'au bout sans nous laisser entraîner dans d'autres directions, aller jusqu'au bout d'une question qui puisse inclure toutes les autres?


Un auditeur : La compréhension.


Krishnamurti : La compréhension, bien, je pense que c'est bien, moi aussi je choisirais cela. Que voulons-nous dire par ce mot de compréhension? Je vous en prie, explorez ceci lentement, et non pas vite. Qu'implique la compréhension de quelque chose? Est-ce une compréhension verbale, une compréhension à travers une description en mots, la compréhension par l'affection – Je t'aime bien, je suis ton ami, je te dis quelque chose, de ce fait tu comprends ce que je dis? Ou est-ce une exploration intérieure au sujet de quelque chose qui est plutôt complexe et confus? Ou bien comment la compréhension se passe-t-elle? Se fait-elle par la communication verbale, qui est description? Si vous et moi parlons anglais, français, italien ou autre, est-ce à travers cette communication verbale et cette description qu'il y a compréhension ou recherche en profondeur? Ou encore la compréhension se produit-elle non seulement au travers des mots, non seulement à travers des descriptions, mais en allant au-delà du mot, ce qui veut dire que vous et votre interlocuteur êtes libres tous les deux de la structure verbale qui est la nature de la pensée, que vous pénétrez cela et regardez en profondeur? Quand nous parlons d'une voiture, c'est très simple, je l'ai observée, je me suis amusé avec et je sais comment elle fonctionne. Je comprends, je sais comment gravir cette montagne. Mais nous parlons de comprendre psychologiquement, pas simplement une compréhension des choses de la vie courante, mais beaucoup plus profondément la compréhension qui amène une vue intérieure, un regard à l'intérieur de quelque chose, qui alors devient la vérité. Et je ne peux jamais en revenir. Quand je comprends quelque chose, j'ai un regard en profondeur sur ce sujet et de ce fait cette vision en profondeur elle-même va balayer tout malentendu, toute complexité. J'ai la clarté sur ce sujet.


Donc la compréhension implique, n'est-ce pas, que l'esprit, le cerveau, toute la structure de l'esprit ne se contente pas d'écouter les mots mais va au-delà de ceux-ci et perçoit le sens profond de cette affirmation particulière. Alors, il y a vision en profondeur et vous dites: « Je comprends, j'y suis. » La vision en profondeur implique un esprit calme, désireux d'écouter, d'aller au-delà des mots, et d'observer la véracité de quelque chose. Supposons, par exemple, que l'orateur affirme quelque chose comme: « La fin du chagrin est le commencement de la sagesse. » Il affirme cela. Maintenant, comment le recevez-vous? Comment y réagissez-vous? En faites-vous une abstraction, et à partir de cette abstraction, qui est une idée, essayez-vous de comprendre ce qu'il a dit? Ou bien écoutez-vous, c'est-à-dire, écoutez-vous les mots, le sens des mots, et allez-vous au-delà des mots pour voir la justesse ou la fausseté de cette affirmation? Non pas sur la manière de mettre fin au chagrin, ou d'acquérir la sagesse, mais voir si l'affirmation contient quelque chose de vrai ou de faux. Pour observer la vérité ou la fausseté, il faut que votre esprit soit calme, alors vous avez un regard en profondeur sur ce sujet, et vous dites: « Mon Dieu, comme cela est vrai! » Donc, de la même manière, la compréhension implique d'avoir un regard en profondeur à propos d'un problème. D'accord? De sorte que vous allez au-delà des arguments, des approches dialectiques – c'est ainsi, c'est immuable.


Imaginons, par exemple, que l'orateur dise: « Il n'y a pas de technique qui mène à la vérité, la vérité est un pays sans chemin. » Il fait cette affirmation, il l'a faite il y a cinquante ans, et comment la recevez-vous? Allez! Comment la recevez-vous? Ceci est un dialogue. La recevez-vous en émettant une opinion, en disant: « Cela ne peut pas être vrai, parce que tout le monde parle de technique, de méthode, de système » et maintenant voilà que cet homme arrive et dit: « Il n'y a pas de chemin, pas de technique qui mène à la vérité. » Donc vous dites: « Voyons, qui a raison? Cet homme ou un autre? » Alors, êtes-vous en train de discuter, de comparer, de juger, ou bien écoutez-vous l'affirmation, sans savoir si elle est juste ou fausse? Parce qu'en fait, vous ne savez pas, n'est-ce pas? Dix personnes, ou un million, ont dit: « Il y a une technique », alors survient quelqu'un qui affirme: « Il n'y a aucune technique. » Il se peut que cet homme se trompe complètement.


Mais il explique ce qu'il veut dire. Une technique implique de la pratique, du temps, un processus mécanique. Nos esprits sont déjà assez mécanisés, et cela les rend plus mécanisés encore. Donc, il explique tout cela mais vous dites encore: « Mille personnes ont des techniques. » Soupesez-vous ceci et dites-vous: « Eh bien, je préfère ceci à cela. » Ou bien recevez-vous ce qu'il dit dans un silence complet, objectif, tranquillement, sans savoir si c'est la vérité? Et quand vous écoutez tranquillement, c'est-à-dire avec une attention complète, alors vous découvrez, vous regardez en profondeur ce qui se dit, et c'est à vous que cela appartient, non à moi. Je ne sais pas si vous percevez cela – découvrir ce qui est vrai et ce qui est faux, trouver le vrai dans le faux. Donc, votre esprit doit être extraordinairement ouvert, vulnérable. Je me demande si nous nous comprenons bien, vous et moi.


Saanen, le 29 juillet 1976

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