L'attachement
Question : L'attachement donne naissance à une sorte d’échange émotionnel, une chaleur humaine, qui semble être un besoin fondamental. Le détachement produit de la froideur, un manque d’affection, une rupture des relations; il peut aussi blesser profondément les autres. Il semble qu’il y ait une faille dans cette approche. Qu’avez-vous à dire ?
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Krishnamurti: Le mot « attacher » signifie s'accrocher, retenir, avoir le sentiment d’appartenir à quelqu'un et de le posséder en même temps. Cultiver le détachement engendre un manque d'affection, une froideur, une rupture des relations ; c’est cultiver le contraire de l’attachement, et il est évident que cela produira ce résultat.
Si le détachement devient le contraire de l'attachement, alors ce détachement est une idée, un concept, une conclusion produits par la pensée dès qu'elle s'est rendu compte que l’attachement provoque beaucoup d’ennuis, de conflits, de jalousie et d’anxiété. Ainsi, la pensée dit : « il vaut bien mieux être détaché ». Le détache ment est un non-fait, alors que l’attachement est un fait. S'il y a attachement, cultiver le détachement est alors un mouvement vers l'illusion, et celle-ci rend froid, dur, amer, isolé, sans aucun sentiment d'affection. C’est ce que nous faisons tous : nous vivons dans le non-fait.
Pouvez-vous affronter le fait que vous vous êtes attaché — non seulement à une personne, à une idée, à une croyance, mais à vos propres expériences, ce qui est beaucoup plus dangereux? Vos propres expériences vous excitent, vous donnent une sensation de vie.
Si on est conscient d'un attachement, on en remarque toutes les conséquences : l'anxiété, le manque de liberté, la jalousie, la colère, la haine. L'attachement implique aussi un sentiment de sécurité, de stabilité, d'être gardé, protégé. Il y a un propriétaire et une possession, d'où découlent forcément jalousie, anxiété, crainte et tout le reste. Voyez-vous les conséquences de tout cela — non pas la description de la situation mais sa réalité ? Ma solitude me pousse à m’attacher à vous et sa conséquence, cet attachement, dit : « je vous aime ». Je sens que je communique avec vous parce que vous êtes dans la même situation. Deux personnes se cramponnent l’une à l’autre en raison de leur solitude, de leur dépression, de leur malheur. Que se passe-t-il ? Je m'accroche, non à vous, mais à une idée, à quelque chose qui m’aide à m'évader de moi-même.
Vous pouvez être attaché à une expérience, à un incident qui vous a donné des transports de vie intense, de ravissement, de puissance, de sécurité, et vous vous accrochez à cela. Quelle est cette expérience que vous avez eue ? Elle s'est enregistrée dans votre esprit et vous y tenez. Ce que vous retenez ainsi est une chose morte et, à votre tour, vous devenez chose morte. Si vous voyez tout cela sans direction, sans mobile, si vous vous contentez de l'observer, alors vous verrez que cette vision pénétrante fait apparaître tout cela comme sur un plan. Une fois qu'il y a cette vision, la chose disparaît complètement, vous n'êtes pas attaché. - J.K.
Note 38 – L'attachement - Questions et réponses