Désir et conflit
Ils formaient un groupe sympathique ; la plupart d'entre eux étaient sérieux et avides de savoir, et il y en avait quelques-uns qui écoutaient pour réfuter les arguments. Écouter est un art qu'il n'est pas facile d'acquérir, mais il y a là une beauté et une grande source de compréhension. Nous écoutons à divers niveaux de notre être, mais la plupart du temps nous écoutons avec nos préjugés, nos conceptions fermement établies ou d'un point de vue particulier.
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Nous n'écoutons pas simplement ; l'écran de nos pensées, de nos conclusions ou de nos préjugés vient toujours s'interposer entre nous et ce que nous écoutons. Nous écoutons avec plaisir ou résistance, en acceptant ou nous sommes stupides, et nous sommes stupides. Nous pouvons penser que nous sommes Dieu, et nous sommes notre propre conception: « Je suis Cela. »
« Mais il est certainement préférable de s'occuper des choses de Dieu plutôt que des choses du monde, n'est-ce pas ? »
Ce que nous pensons, nous le sommes ; mais c'est la compréhension du processus de la pensée qui est importante, et non ce à quoi nous pensons. Peu importe que nous pensions à Dieu ou à la boisson ; chacune de ces pensées a ses effets particuliers, mais dans un cas comme dans l'autre l'esprit est occupé par sa propre projection. Les idées, les idéaux, les objectifs, etc., sont toutes des projections ou des extensions de la pensée. Être occupé de ses propres projections, à quelque niveau que ce soit, c'est s'adorer soi-même. Le Soi avec un S majuscule est encore une projection de la pensée. Quelle que soit la chose qui occupe l'esprit, il est cette chose ; et ce qu'il est n'est rien d'autre que la pensée. Aussi est-il important de comprendre le processus de la pensée.
La pensée est une réponse à une provocation, n'est-ce pas ? Sans la provocation, il n'y a pas de pensée. Le processus de la provocation et de la réponse est l'expérience ; et l'expérience traduite en termes de langage est la pensée. L'expérience n'est pas seulement du passé, mais aussi du passé conjointement avec le présent ; elle est le conscient aussi bien que le caché. Ce résidu de l'expérience est la mémoire, l'influence ; et la réponse de la mémoire, du passé, est la pensée.
« Mais la pensée n'est-elle que cela ? N'y a-t-il pas dans la pensée des éléments plus profonds que de simples réponses de la mémoire ? »
La pensée peut se placer et se place en effet à des niveaux différents, le stupide et le profond, le noble et le grossier ; mais c'est toujours la pensée, n'est-ce pas ? Le Dieu de la pensée est toujours de l'esprit, du mot. La pensée de Dieu n'est pas Dieu, elle n'est qu'une réponse de la mémoire. La mémoire vit longtemps, aussi peut-elle avoir l'apparence de la profondeur ; mais de par sa structure même elle ne peut jamais être profonde. La mémoire peut être cachée, mais cela ne signifie pas qu'elle est profonde. La pensée ne peut jamais être profonde, ou rien d'autre que ce qui est. La pensée peut s'attribuer une plus grande valeur, mais elle reste toujours la pensée. Lorsque l'esprit est occupé par sa propre projection, il n'est pas allé au-delà de la pensée, il a seulement joué un nouveau rôle, pris une nouvelle attitude ; sous le fard, c'est toujours la pensée.
« Mais comment peut-on aller au-delà de la pensée ? »
La question n'est pas là. On ne peut pas aller au-delà de la pensée, car le « on », celui qui fait #n effort, est le résultat de la pensée. En dévoilant le processus de la pensée, par la connaissance de soi, la vérité de ce qui est met fin au processus de la pensée. La vérité de ce qui est ne peut pas se découvrir dans les livres, anciens ou modernes. Ce qu'on y trouve, c'est le mot, mais non la vérité.
« Alors comment peut-on trouver la vérité ? »
On ne peut pas la trouver. L'effort pour trouver la vérité engendre une idée, une fin qui est une projection de soi ; et cette fin n'est pas la vérité. Un résultat n'est pas la vérité ; le résultat est la continuation de la pensée, prolongée ou projetée. Ce n'est que lorsque la pensée cesse qu'il y a la vérité. La discipline, l'effort, toutes les formes de la résistance ne peuvent mettre fin à la pensée. C'est en écoutant l'histoire de ce qui est que vient sa propre libération. C'est la vérité qui libère, et non l'effort pour se libérer. - J.K.
Note 67 - Désir et conflit - Commentaire sur la vie tome 1